Le champ' sera tiède
Le champ' sera tiède...
Que diable fait elle là ?
Qu’est-il arrivé ?Qu’attend-elle ?
Attend-elle seulement quelque chose ?
J’espère savoir ce que vous en avez pensé lundi.
J’espère évidemment avoir quelque chose à vous en dire…
Jeanne enrageait et rongeant son frein depuis plus d’une heure sur le palier devant la porte de l’appartement de Gérald, l’homme qui avait enflammé ses sens et qu’elle ‘’avait dans la peau’’ comme disait sa sœur Julie, l’adolescente malicieuse à qui elle s’était confiée le soir où…
Oui ! elle avait succombé et avec quel bonheur, aux appels qu’elle croyait lire dans les yeux de ce séducteur et elle lui avait donné ‘’sans réfléchir le meilleur de son être’’ comme dans la chanson à la mode que l’on entendait à la radio à longueur de journée…
Que ses parents ne sachent jamais qu’elle avait perdu sa virginité un peu en avance, car, bien sûr, il allait la demander en mariage, cela ne faisait aucun doute dans l’esprit de Jeanne.
C’est pourquoi elle avait pris dans la cave de son père une bouteille de champagne (un grand cru… d’ailleurs, il n’y en avait pas d’autres) qu’elle avait confiée en grand secret à Emilie la cuisinière qui l’avait mise au frais dans le réfrigérateur ‘’à absorption’’ récemment acquis au Salon des Arts Ménagers, qui constituait une nouveauté, et deux flûtes empruntées en douce dans la vitrine de sa mère.
Robert, le vieux chauffeur qui l’avait connue dans ses langes, acceptait d’être le complice de ses balades quand Monsieur n’avait pas besoin de lui, et l’avait laissée devant l’immeuble cossu du boulevard Suchet où Gérald habitait avec ses parents, pour lors absents à Vichy, partis effectuer leur cure annuelle.
Robert reviendrait la chercher deux heures après l’avoir laissée à l’adresse que Jeanne avait cherchée sur l’annuaire des Postes et Télégraphes, et elle se réjouissait de faire à Gérald la surprise de sa visite inattendue.
La sonnette avait tinté mais personne n’était venu ouvrir : Jeanne avait cru comprendre qu’il avait des occupations impératives qui le retiendraient chez lui et elle était sûre qu’il serait présent. L’ascenseur, à chaque fois qu’il montait ou descendant, faisait palpiter son cœur tant elle espérait le voir s’arrêter et voir Gérald s’arrêter en lui tendant les bras, heureux et confit de l’avoir fait attendre, bien que sa visite ne fut pas programmée….
Dépitée, et lasse d’attendre, elle laissa là sa bouteille et les flûtes et descendit jusqu’à la loge des concierges…
Là, elle apprit que Monsieur et Madame Gérald M… étaient partis à Deauville avec leurs bébés jumeaux jusqu’à la fin de la semaine… Comment à Deauville… ils ne sont pas à Vichy ? Et comment peuvent-ils avoir des jeunes enfants à leur âge ? La pipelette avait compris et elle se donna le plaisir de toiser Jeanne de haut pour lui asséner :
- Monsieur et Madame Gérald M… les parents, ne vivent plus ici depuis le mariage de leur fils. C’est-y le père ou le fils que vous venez voir ? Ma p’tit’ dam’ vous z’êtes pas la première et je vous souhaite bien le bonjour…
Jeanne n’avait pas un sou en poche pour prendre un taxi et il ne lui restait qu’une chose à faire en attendant Robert : pleurer tout son soûl et regretter sa naïveté. Elle s’était bien fait avoir mais elle ne serait jamais plus le jouet d’un homme…
Elle saurait se venger d’un séducteur avec tous les autres mâles qui passeraient à sa portée. Inaccessible, elle serait désormais inaccessible et leur tiendrait la dragée haute.
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A partir de mardi, je vous raconterai d'étonnantes retrouvailles...