Brève rencontre
BREVE RENCONTRE
Pourquoi Pierre avait-il décidé de sortir malgré le crachin de cette fin d’après-midi de novembre ? Il n’avait rien à faire dehors et il n’éprouvait même pas l’envie de marcher…
Non. Simplement il n’avait su résister à une impression d’urgence qui lui avait soudain envahi l’esprit sans qu’il comprenne vraiment ce qui lui arrivait. Pierre avait parfois de ces fulgurances qui le traversaient et le poussaient à faire des choses que sa raison aurait réprouvées.
Il marchait, le nez au vent et les mains dans les poches parce qu’il avait oublié ses gants, même s’il ne faisait pas très froid, mais l’humidité soudaine de cet automne avait vraiment rafraîchi l’atmosphère.
Une femme marchait devant lui, dont le soleil couchant nimbait la chevelure d’une auréole dorée. Sa silhouette élégante et sa démarche légère ne le laissèrent pas indifférent, et il pressa un peu le pas pour arriver à sa hauteur sans avoir l’air de vouloir la rattraper.
Ils arrivaient près du pont qui permettait l’accès au château et menait à la voûte qui en défendait l’entrée. Les réverbères avaient pris de l’avance et éclairaient inutilement les pavés de leur faible lueur.
La silhouette s’était soudain arrêtée et l’homme qui la croisait semblait lui être familier au point qu’ils s’étaient étreints avec de grandes exclamations. Son cœur se serra, car Pierre comprit soudain que s’il avait suivi son instinct, c’est que son destin devait ce jour-là précisément lui faire rencontrer la femme de sa vie, celle qu’il attendait sans le savoir... La trentaine proche, il était temps pour lui de ‘’faire une fin’’ et avoir des enfants : il en était sûr, cette femme lui était destinée… c’était écrit…
Il ne pouvait décemment s’arrêter et pressa le pas sans jeter un regard sur le couple. Logiquement, elle devait continuer son chemin après avoir quitté l’homme. Il attendit confiant au bout du pont en s’appuyant au parapet.
La silhouette approchait et il attendait avec anxiété l’instant où il allait enfin découvrir le visage de celle qu’il appelait déjà sa ‘’douce’’.
Le soleil l’éclairait de face, mais ce que Pierre découvrit le plongea dans une profonde stupéfaction. En arrivant près de lui, elle lui adressa un sourire et poursuivit son chemin.
Elle ne serait jamais sa ‘’douce’’ et ne pourrait être la mère de ses enfants : sa démarche légère et ses cheveux blonds l’avaient trompé. Elle paraissait avoir l’âge de sa propre mère, peut-être même plus !
Pierre décida d’aller se saouler au bar où il savait retrouver ses copains divorcés.