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La Bourlingueuse
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20 mars 2023

Les blés foulés du Père Joseph

Escapade estivale

Escapade estivale

Cette promenade aux champs de Mr Carl Spitzweg vous inspire-t-elle ?
Je vais quant à moi tenter de vous écrire un petit quelque chose pour lundi.
Et j’espère que vous aurez vous aussi ce courage.

 

De retour de la grand’messe où, en bon paroissien il se rendait en famille ponctuellement chaque dimanche matin avant de reprendre la carriole dans l’après-midi pour les vêpres, le Père Joseph aimait regarder ses champs avec la satisfaction du devoir accompli.

Il était heureux : même si cette année, le Ciel n’avait pas été clément la récolte serait médiocre (il n’osait pas penser ‘’mauvaise’’) tant le printemps pourri avait noyé les champs.

De plus, son état de métayer l’obligeait à verser la valeur du tiers de la récolte au nouveau propriétaire parisien, le fils fonctionnaire qui venait d’hériter des biens paternels après le décès du vieil hobereau dont lui, le Père Joseph, avait l’estime depuis sa jeunesse.

 Depuis la cour de la ferme, le Père Joseph stupéfait, regardait au loin sans y croire les deux silhouettes qui déambulaient dans le champ de blé qui allait être moissonné dès le lendemain avec l’aide des voisins qu’il épaulerait à son tour les jours suivants.

S’il avait besoin de bésicles pour lire la gazette, ses yeux voyaient loin et net l'heure au cadran du clocher de l’église du village, et il crut ‘’folleyer’’* en reconnaissant le personnage ventripotent et ridicule qui sans vergogne, écrasait le blé ‘’son’’ blé de ses bottes ferrées tout en s’abritant du soleil en brandissant son gibus en haut de sa canne. C’était Arthur l’héritier, que le Père Joseph n’avait pas vu depuis des années. Il avait gardé le souvenir d’un jeune morveux qui le regardait de haut… Visiblement, il était venu de Paris pour se faire voir et montrer à ces bouseux de paysans son nouveau statut de riche possédant.

Il n’était pas seul : une fillette chapeautée trottinait à ses côtés et une ombre discrète suivait, semblant se faire oublier sous l’ombrelle-pagode du même jaune que les blés.

Arthur prenait son temps, zigzagant vers la cour où l’attendait le Père Joseph ulcéré et anxieux de ce qui l’attendait…

Allait-il fermement protester de l’irrespect  d’Arthur (que désormais il devra appeler Monsieur le baron) en lui faisant remarquer qu’on ne traverse jamais un champ qui n’est pas moissonné, ou devra-t-il courber l’échine et accepter sans broncher les ordres du nouveau patron pour ne pas être mis à la porte à la prochaine Saint-Michel ?

Le Père Joseph n’a plus que quelques instants pour se décider, car Arthur a pressé le pas et, avant de dire bonjour, il exigera de se faire servir un verre de cidre pour se rafraîchir…

 * folleyer : expression typiquement nantaise pour ‘’devenir fou’’

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Commentaires
E
Je parie que le nouveau proprio n'imagine même pas une seconde que sa conduite est irrespectueuse.. vue sa tête il a plutôt l'air arrogant qu'autre chose!
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H
J'espère qu'il l'enverra paitre.
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G
Chez moi aussi on dit folleyer .C 'est du gallo .A RIMOU on le parle encore dans les campagnes. JE le comprends et peu le parler
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L
Ne pas respecter le travail des autres est une insulte insupportable.<br /> <br /> La noblesse et le clergé ont d'ailleurs payé un lourd tribut à ce manque de respect en 1789...
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E
Je me suis plongée dans ton histoire, m'imaginant dans "l'étoffe" de chaque personnage ! bravo Gwen, bises printanières !
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