Péché mortel
La Vénus
Le musée des Beaux-Arts de Nancy expose cette toile d’Émile Friant.
Cette interprétation domestique de « La naissance de Vénus » semble dévolue, au premier abord, à la stimulation d’un amant peu assidu.
Seulement voilà, j’ai vu quelque chose dans cette toile qui m’a amené à me poser des questions.
De moi, je suppose que ça ne vous étonne pas…
Encore que non, n’allez pas penser à des histoires de galipettes, non, pas du tout.
Quel âge pouvais-je avoir le jour où, pour la première fois, je suis allée avec Jeanne, une voisine d’une vingtaine d’années et Jean-Paul son jeune frère de mon âge au Musée des Beaux Arts de Nantes ?
C’était par un froid dimanche de l’Occupation. Nous avions pris le tramway et étions descendus sur la place où, sur une colonne, se dresse le roi Louis XVI en empereur romain Pour ceux qui l’ignorent, Nantes abrite l’une des quatre statues qui restent du roi décapité, la seconde encore sur le domaine public est à 20 km, au Loroux-Bottereau dans le vignoble. Les deux autres sont dans des parcs privés. Les Nantais ne disent pas ‘’place du Maréchal Foch’’ : non, ils disent ‘’place Louis XVI’’
Nous étions tout près du musée et je me souviens avoir été impressionnée par l’architecture classique du bâtiment. A ma grande surprise, il faisait bon dans les salles que nous avons parcourues sagement.
Soudain un choc ! Une femme totalement nue grandeur nature nous faisait face et j’ai détourné le regard tant je me sentais coupable de péché mortel… C’est que mes Ursulines qui n’évoquaient que rarement le corps, le faisaient en parlant d’interdit, de faute, de curiosité malsaine etc…
Ni Jeanne, ni même Jean-Paul ne semblaient avoir d’états d’âme et au fil de la visite, je faisais très attention où je posais les yeux pour être sûre de ne pas aller griller en enfer !
Comment expliquer que je ne fus aucunement troublée par les statues d’Apollon ou d’éphèbes nus au zizi qui regardait sagement le sol ?
Sans doute que les interdits des Ursulines ne concernaient pas le sexe masculin…
Et que, étant la seule fille parmi une armée de jeunes cousins avec lesquels je vivais l’été, je savais parfaitement que leur architecture différait sensiblement de la mienne…
N’empêche, si cette femme nue n’est toujours pas sortie de ma mémoire, elle n’est plus aux cimaises du musée et doit dormir tranquille dans ses caves, à moins qu’elle ne prenne du bon temps avec d’autres éphèbes eux aussi relégués.