Mais où sont les neiges d'antan ?
Mais où sont les neiges d'antan ?
Ça faisait longtemps que je ne vous avais pas proposé de raconter une histoire.
Cette toile de John Salminen, peintre que j’aime car il me paraît parcourir Paris avec le même regard que Modiano me dit qu’il est temps qu’un véritable hiver arrive.
Et vous ?
Comment verriez-vous cet hiver qui pousse la dame à pousser la neige dans le caniveau ?
À lundi j’espère…
En ces temps lointains de mon enfance bretonne, chaque hiver nous apportait sa période enneigée qui faisait le plus grand bonheur des enfants. Il n’était pas question de réchauffement climatique et les maisons n’étaient à l’époque chauffées que par des feux de bois dans la cheminée, même si les ‘’nantis’’ possédaient un poêle à bois, voire un Mirus qui était alors le summum du confort… Les chambres étaient glaciales et au matin, les vitres étaient joliment ornées de fantastiques fleurs de givre.
Les caniveaux gelés restaient la propriété exclusive des garçons qui en faisaient des patinoires et sur leurs brodequins cloutés, frimaient pour nous épater, nous les filles chaussées de ‘’claques’’.
Les claques étaient des sabots de bois dont l’embout rond et la large bride de cuir noir en constituaient le dessus et nous les portions avec nos chaussons… C’était chaud et confortable, mais il était interdit par nos mères de se déchausser pour jouer et salir la semelle en feutre beige des chaussons !
Nous nous contentions de nous jeter des boules de neige…
Quel âge pouvais-je avoir ce jour où s’entamait le dégel et où, par flemme d’aller jusqu’à la cabane du jardin, je me contentai de faire ma pissette dans la cour ? Cinq à six ans pas plus…
Ce n’est pas le ciel qui me tomba sur la tête, mais la presque totalité de la neige accumulée sur le toit d’ardoises de la maison ! Je me suis retrouvée cul par-dessus tête et hurlai de toutes mes forces. Mon père arriva tout de suite, alerté par le fracas de la chute plus que par mes cris étouffés par la gangue blanche qui me recouvrait.
Que c’était bon d’être délivrée et de me retrouver dans les bras d’un papa aussi affolé que moi…
Pour dédramatiser l’incident, Papa fit un énorme bonhomme de neige, le premier que j’ai vu de ma vie : il y manquait la carotte du nez et le charbon des yeux, tout comme la cravate et le chapeau dont ils sont habituellement munis. Mais Papa avait fait ce qu’il pouvait avec la matière première qu’il avait en abondance sans se soucier de détails secondaires…
Il resta quelques jours en place et eut de nombreux admirateurs.
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De nos jours où les stations de ski fabriquent artificiellement la matière essentielle à leur survie, on ne peut que fredonner mezzo voice
Mais ou sont les neiges d’antan ?