Jeu de billes
Mon solitaire dépouillé !
Elle a immédiatement attiré mon attention car elle est liée à un souvenir qui aujourd’hui me fait sourire mais qui m’a terriblement mortifié et frustré quand est survenu l’évènement.
Je suppose que vous aussi aurez quelque histoire à raconter à propos d’enfants, de jeu de billes ou simplement de campagne…
Antoine, notre premier petit-fils, est né à l’île de la Réunion et, bien entendu, nous sommes allés faire sa connaissance dans cette Ile Bourbon que nous allions découvrir en même temps que lui, premier rameau de la nouvelle génération, qui aurait le privilège de fêter ses vingt ans en l’an 2000…
A cette époque, Air-France ne pratiquait pas de prix charter même pour les prolos désargentés (je sais, c’est un pléonasme) qui devaient aligner 8.000 F pour espérer s’asseoir dans l’un de ses fauteuils et avoir pour déjeuner un succinct plateau-repas livré dans un sac individuel à l’escale de Djibouti… Un an déjà que nous faisions notre pelote dans cette perspective.
Tant qu’à faire, nous avions offert son baptême de l’air à Antoine 3 mois, dans un petit coucou qui nous avait conduits jusqu’à l’île Maurice. Le si pittoresque marché de Port-Louis, les jardins de Pamplemousse et leurs nénuphars géants, les ateliers qui reconstituent les vieux gréements en maquettes aux prix rédhibitoires… tout cela nous avait enchantés et vidé notre portefeuille, sauf les maquettes somptueuses auxquelles notre raison nous avait fait renoncer.
Mais nous avions pu nous offrir plusieurs jeux de solitaires, des plateaux ronds en bois sur lesquels sont disposées des billes en pierres colorées, et qui seraient des cadeaux à offrir à la famille au retour. Pendant longtemps, nous avons beaucoup joué avec des fortunes diverses, puisque, comme au jeu de dames, il faut enlever les billes en sautant d’une case à l’autre jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’une sur le plateau, et au centre de préférence…
Ce jeu a trôné dans le salon pendant des années… jusqu’au jour où, après la visite d'une amie accompagné de ses petits-fils, il ne resta plus que le plateau… totalement vidé de ses boules. Au cours de l’après-midi, j’avais bien saisi plusieurs fois entre les garçons le mot ‘’calot’’ sans, bien entendu, y avoir vraiment prêté attention.
Après leur départ, la chose nous paraissant évidente, et nous avons téléphoné le soir même à notre amie qui, surprise, nous affirma que ses chéris ne pouvaient avoir fait une telle chose, mais qu’elle leur en parlerait néanmoins. Bien entendu, les chéris ont nié, et notre amie ne nous a jamais plus parlé, se drapant dans une dignité offensée.
Devenu adulte, l’un des chapardeurs m’a avoué en riant que son frère et lui avaient fait de bonnes affaires en vendant aux copains plusieurs de ces ‘’calots’’ qui leur avaient tapé dans l’œil !