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La Bourlingueuse
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8 mai 2018

Une journée exceptionnelle 2

Suite de mes souvenirs d'une journée exceptionnelle

Tout le groupe descendit pédibus vers le centre en chantant, car les conducteurs de tramways célébraient eux aussi l’actualité, mais nous avions l’habitude de marcher… et nos pieds avaient des ailes ce jour-là ! Le coiffeur dont la boutique était au bout du boulevard de la Solidarité, mais sur l’autre boulevard, celui de la Fraternité, était juché sur une échelle, occupé à « tricoloriser » son magasin. C’est ainsi que, des années durant, les trois lettres C-o-i apparurent en bleu, f-f en blanc, e-u-r en rouge. Nous l’applaudîmes à grands cris…

 Mon père avait pris sa bombarde, et soufflait dedans à s’époumoner. Ses soixante treize ans et son cœur malade n’entraient pas ce jour là en ligne de compte…Pendant des heures, il joua jusqu’à l’apoplexie, sans faiblir, et la foule suivait cet étrange « joueur de flûte » et sa musique aigrelette. Les gens avaient, comme nous, fait des efforts pour porter les couleurs de la France, et parfois, se sautaient au cou. C’était un débordement de jubilation, d’ivresse et d’exaltation librement lâchées. Des orchestres s’étaient spontanément formés et la foule dansait frénétiquement. Des drapeaux étaient accrochés un peu partout, et tous n’avaient pas été bricolés à la hâte, ce qui prouvait bien qu’ils avaient été soigneusement rangés depuis cinq ans.

 S’il y en a eu, je ne me souviens pas avoir vu des GI’s américains. Des soldats français, oui, il y en avait, et aussi des jeunes gens arborant des brassards à croix de Lorraine marqués FFI. Ils avaient un prestige fou, et nous leurs disions merci de leur action contre l’occupant. C’est plus tard seulement qu’il faudrait séparer le bon grain de l’ivraie, car des FFI, il y en avait aussi eu de l’espèce dite « de la dernière heure », des opportunistes qui avaient profité des circonstances pour régler leurs comptes ou se refaire une virginité. On appellerait ceux-là les « fifis ». Les vrais résistants, eux, restaient discrets. Mais ce 8 mai, tout ce qui portait uniforme vrai ou faux, était congratulé, félicité, embrassé.

 Mon père soufflait toujours dans sa bombarde et rien n’aurait pu le retenir, sauf l’arrêt cardiaque ! Dieu merci, le cœur tint bon et nous pûmes continuer à faire la fête avec la multitude en liesse. Les voisins s’étaient égaillés, mais notre groupe Guillemot-Milliou restait soudé dans la foule, et nous finîmes par arriver devant la cathédrale. S’il y a été célébré un Te Deum ce jour-là, il s’est dit sans nous !

 Les danses et farandoles de la foule colorée semblaient follement anachroniques à nos yeux puisque les Français, depuis longtemps, et par obligation, restaient sagement confinés chez eux, les bals étant interdits, sauf pour les mariages, et ils devaient finir très tôt. C’était un débordement de fol enthousiasme populaire que je n’oublierai jamais.

La fin demain ?

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Commentaires
L
Je suis à la fois heureux d'avoir échappé à WWII et regrette un peux d'avoir manqué la liesse de la Libération.<br /> <br /> C'est le problème, il faut vivre les guerres pour profiter de la fin des guerres... ;-)
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M
Ah oui, j'attends la fin !!!
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P
Impressionnante cette liesse ! merci Gwen, je n'avais jamais eu un tel récit, il faut dire que mes parents et grands parents habitaient la campagne profonde et n'ont pas vécu cela. Tes souvenirs sont intacts !
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