Retour aux sources
Retour aux sources
J’ai demandé à mes enfants de faire une escapade sur les lieux de ma naissance, là où j’ai vécu les premières années de mon enfance. Nous avons pris la route à trois, laissant le reste de la famille à ses occupations de bricolage dans la maison.
Arrivés par le Sud, nous sommes d’abord passés devant la grande maison où je suis née, d’où j’ai longuement regardé le clocher si particulier de l’église qui me faisait penser, allez savoir pourquoi ? à François 1er en armure. Ce clocher est unique et nul ne sait qui l’a imaginé. Il se dit qu’il pourrait être d’inspiration scandinave…
Les gisants sont maintenant adossés sous un vitrail, et les (grandes) orgues me semblent aujourd’hui si modestes alors que, dans mes souvenirs, les sons emplissaient la nef si puissamment ! J’ai la certitude d’entrer dans ce lieu pour la dernière fois, alors qu’il fut celui de ma première sortie. Il est vrai qu’il n’y avait que la rue à traverser pour me faire baptiser !
Il n’y a plus de cordes pour actionner les cloches, sans doute maintenant électrifiées. Autrefois, c’était un vrai spectacle que de voir le sacristain et ses aides qui s’y accrochaient et s’élevaient en riant au-dessus du sol.
Les Halles fameuses, qui datent du XVIe siècle mesurent plus de 50 mètres sur 20, et sont partagées en 15 travées. Des piliers de bois soutiennent une charpente dont, enfant, j'admirais déjà l'extraordinaire "fouillis", et dont le toit remarquable a été plus tard surmonté d'un clocher octogonal.
La tombe familiale est centenaire et la concession à perpétuité le restera tant qu’elle sera entretenue. La plaque de marbre blanc a de vilaines taches noires de moisissure. Nous l’avons enlevée et je cherche des conseils pour redonner au marbre son aspect initial sans l’abimer, car je me souviens de désastres irréparables ! Si l’un de vous a le truc qui marche, je suis preneur…
Une brève incursion à Sainte barbe, mais je vous en parlerai une autre fois.
Nous sommes descendus jusqu’à la rivière où une croix médiévale en granit précède le restaurant rustique qui accueille les autochtones autant que les amateurs de pêche. Le patron est aux petits soins qui propose un menu à 12 €, copieux et de qualité.
Ce qu’ici on appelle le Grand Pont est une modeste structure métallique qui a peut-être remplacé une passerelle de bois. Je l’ai toujours connue, et elle enjambe l’Ellé, qui est habituellement un torrent à truites et saumons, mais dont la sécheresse a fait considérablement baisser le niveau. Les roches arrondies qui encombrent son lit ravivent mes souvenirs. Les galopins avec lesquels je passais nos après-midis d’été y trouvaient de grosses moules d’eau douce, alors et je n’ai jamais pu en ramasser une seule ! Elles étaient inmangeables, mais j’aurais tellement aimé en rapporter moi aussi à la maison !
J’ai bien compté : je ne m’y suis plus trempée depuis… oui… depuis l’été 1939, juste avant que le ciel ne nous tombe sur la tête ! il fait si chaud malgré les arbres qui ombragent ce lieu magique de mon enfance qu’Hélène et Pierre ne tardent pas à s’y plonger. C’est une figure de style, mais ils ont trouvé entre deux roches un endroit où, assis et à demi allongés, ils ont de l’eau à mi-torse. Pour ma part, je me suis contentée d’une trempette des pieds dans l’eau glacée, mais que la chaleur ambiante m’a fait apprécier.
C’est là le lieu où j’entamerai mon dernier voyage, emportée tout doucement par l’Ellé jusqu’à l’océan proche.
Je ne suis pas pressée… j’ai tout mon temps…peut-être...