Renouveau
La vieille tante Emilie a dû interrompre sa sieste et elle n’est pas contente… mais alors, pas contente du tout !
Amandine et Manon, ses deux nièces (non… petites nièces) se sont invitées pour la journée et ce sont leurs rires dans le jardin qui ont réveillé Emilie. Le printemps est là, l’air est doux, les timides crocus se cachent tandis qu’éclatent les boutons de camélias. Jetant un œil par la fenêtre restée ouverte, elle est stupéfaite de voir que les adolescentes ne sont pas seules : avec elles, deux garçons semblent affairés autour de la table de pierre du salon de jardin.
Ils ou elles ont cueilli dans le massif des narcisses et deux jonquilles qui ont été mis dans ce vase bleu qu’elle aime tant ! Le bocal de verre resté à côté avait-il été prévu pour recevoir les fleurs ? Décidément, ces jeunes d’aujourd’hui n’ont aucun scrupule à fouiller dans les placards et se croient partout chez eux…
Trois sacs de papier sont posés sur l’appui de la fenêtre. Emilie ne tarde pas à jeter un coup d’œil curieux dans le premier, celui en papier kraft. Il abrite un livre de poche dont le titre la surprend un peu « La Puce à l’Oreille » de Claude Duneton, un auteur dont sa grande culture ignore cependant l’existence. Feuilletant l’ouvrage, elle réalise qu’il s’agit d’une sorte de dictionnaire qui explique l’origine et la signification des expressions insolites et imagées de la langue française.
Pour qui la prennent-ils donc ? elle a infiniment plus de savoir que ces bachelières au rabais que sont ces écervelées qui croient que tout leur est dû.
Et le sac blanc, il contient quoi ? une écharpe vert olive !
Emilie s’en étrangle… Toute la famille sait qu’elle a horreur du vert. Aucun doute, ces péronnelles l’ont fait exprès pour qu’elle fasse un malaise et meure en leur laissant ses biens en héritage (même si leurs parents seront les premiers en ligne). Révulsée, elle n’a pas voulu voir ce que cache le dernier sac.
Emilie ne va rien dire aujourd’hui… elle boira le calice jusqu’à la lie, mais dès demain, elle va convoquer son notaire afin de changer ses dispositions testamentaires. On va voir de quel bois elle se chauffe !
§
Emilie se souvient avec amertume de sa sœur, veuve d’un colonel, partie un beau jour dans les Alpes en vacances avec son amie Sandrine, et qui est restée y vivre près du lac Léman, où pataît-il, elle est heureuse.
On l’appelait Tatie Danielle…