C'est la maison de Jean ?
Que j'vous raconte !
Mon jeune artisan couvreur a enfin téléphoné pour fixer le jour de son intervention ! Le devis a été accepté depuis un bon moment, mais il s'est fait voler camion et matériel à deux reprises et a dû privilégier les gros chantiers pour s'en sortir...
Mardi matin donc, à 9.30 h il passe son échelle dans le couloir central de la maison pour l'intervention côté Sud, puis se réinstalle sur la rue côté Nord pour le démoussage prévu... Je suis occupée dans mon "queendom", la pièce du fond de la maison qui donne sur le jardin... La porte d'entrée sur la rue est fermée... mais pas verrouillée. Un homme jeune, gitan de toute évidence, surgit soudain en haut des sept marches qui me séparent de la cuisine et demande "C'est la maison de Jean ?". Il est parti sans attendre ma réponse. Intriguée mais pas inquiète, j'ai pensé un court instant qu'il cherchait le couvreur avant de vouloir le rejoindre.
Passant devant le salon, j'ai compris immédiatement en voyant les portes ouvertes du buffet saintongeais datant de 1859. Manquent deux petits coffrets contenant cuillers et fourchettes en argent, cadeaux de Noël et de Fêtes des Mères. Il y a des lustres que personne ne s'en est servi, mais ils font partie du patrimoine familial.
La police est venue sans tarder, a noté ma description du malfaiteur, annonce qu'un agent viendra plus tard relever les empreintes s'il y en a, et insiste pour que j'aille au commissariat voisin porter plainte. Aucune trace exploitable de doigts sur le bois ciré, et les autres objets déplacés l'ont été sans laisser d'empreintes. Je réalise à cet instant que mon téléphone portable, laissé sur la table de la cuisine, a aussi disparu.
Au commissariat, l'agent fait plus que traîner les pieds pour enregistrer ma déposition, me pose deux fois la question "Pourquoi voulez-vous porter plainte ? Puisqu'il n'y a pas d'effraction, vous ne serez pas remboursée par l'assurance !". Je n'y avais même pas pensé ! Puisque je n'ai pas noté le numéro figurant sur la boîte d'achat du téléphone portable, il ne veut pas faire mention du vol. Je persiste néanmoins pour l'argenterie, et, mollement, entreprend la rédaction du Compte-rendu d'Infraction initial, dont je vous fais grâce, me dit où signer et me renvoie après m'en avoir laissé une copie. Deux contre-vérités figurent sur ce document :
- Je ne suis pas en mesure de reconnaître formellement l'auteur des faits : FAUX : je n'oublierai pas son visage ; mais la question ne m'a pas été posée !
- Après lecture faite personnellement, persiste et signe avec nous le présent procès-verbal : FAUX ; l'agent ne m'a rien lu !
Plusieurs personnes m'ont glissé à l'oreille que le peu d'empressement de certains agents viendrait du fait qu'il faut absolument faire baisser le chiffre des statistiques au moins pour les petits délits, afin de laisser croire place Beauvau à la réelle efficience des obscurs, des "sans-grades".
Sachez enfin que la porte du couloir sur la rue est toujours verrouillée... Il a fallu que, pendant une heure trente elle ne le soit pas pour qu'un malfaisant opportuniste aux aguets profite de l'aubaine.