Mon premier soleil de minuit !
Vendredi 14 juin – Tromso
Minuit 10 quand j’ouvre un œil… L’autre n’est pas encore tout à fait opérationnel mais j’ai déjà enfilé une sortie de bain et des chaussures pour foncer toutes voiles dehors au pont-promenade du 3e. Un reflet sur la mer vu à travers la vitre de la porte fermée pour cause de sécurité, car il souffle dehors un vent très fort et il ne s’agit pas de perdre un passager qui, à cette heure où il n’y a plus personne dans les parages aurait peu de chances d'être repêché ! Le soleil est au-dessus de l’horizon, mais voilé de nuages gris… Pas longtemps… et je peux prendre à travers la vitre de la coursive, une série de « soleils de minuit » qui est la surprise du jour, parce que je pensais que, comme la plupart de ceux auxquels j’ai posé la question et qui ont répondu par la négative, je ne verrais pas cette curiosité sub-polaire, trop souvent noyée de brume....
Je me recouche satisfaite et sûre d’être éveillée dans les temps par le « front office ». Tromso n’est pas si froide qu’on peut le penser, même si je n’y ai pas remarqué de fleurs. Les nuits autour de Noël durent 24 heures, mais c’est le moment des réunions familiales où l’ambiance ne manque pas. En revanche, du 21 mai au 31 juillet, les jours durent… toute la nuit ! Wouarf ! wouarf !
Tromso possède en ses murs l’Université la plus septentrionale du monde, et le musée qui en
dépend est très complet pour ce qui concerne la vie des habitants dans les derniers siècles avant la mécanisation. Les "Samis", une ethnie oubliée qui occupait toute la Scandinavie, a été redécouverte il y a quelques années et a donné un regard nouveau à l’histoire des Norvégiens. L’occupation allemande de la Seconde Guerre mondiale a aussi laissé des traces dans les esprits. Deux météorites qui semblent de métal lourd sont tombés, l’un en 1902, l’autre en 1942. La vie rude des Norvégiens leur a donné des forces pour pallier leur manque de moyens.
La cathédrale arctique est une merveille de l’architecture moderne. Imaginez une série de grands A majuscules blancs qui se s’emboitent et vous aurez une idée de ce qu’on voit de l’extérieur. Mais si
vous pénétrez dans le sanctuaire, vous y verrez sur côté sud éclairée par le soleil, un gigantesque vitrail qui occupe toute la surface. Jésus en occupe le centre, mais il semble porter une cuirasse et un casque…
Un téléphérique permet d’accéder au point culminant qui domine Tromso et d’où le panorama s’élargit à nos pieds : des sommets enneigés des plaques de neige que le printemps a oubliées, notre Rotterdam de
A côté de moi s’est assise Meredith, professeur d’anglais originaire de l’Ontario mais qui vit en Floride. Elle m’a vue hier au moment où j’allais me baigner pour marquer le cercle polaire et a pris une photo pour saluer ma « bravitude » et propose de me l’envoyer.
J’ai demandé au front office à quelle heure le soleil serait à son point le plus bas :le commandant a fait savoir que ce serait à 0.17 h puisque nous ne sommes pas encore le jour du solstice d’été…
Le ciel n’est pas avec nous : cette nuit est nuageuse mais je vais tout de même guetter la star de ce voyage ce soir et demain, et après-demain encore ! A 0.17 h je serai derrière la vitre de la double-porte du pont 3 verrouillée ce soir pour les mêmes raisons de sécurité.
Le show est donné par la troupe (rétrécie) du bateau : un ténor, une mezzo-soprano Noire callipyge et « en formes » dans ses fourreaux à paillettes, un jeune fantaisiste, deux danseuses blondes et cinq musicos. Dix en tout. Elvis Presley et Tina Turner n’étaient pas là… mais on a tout fait pour le laisser croire au public et c’est assez réussi.