Calligrammes... vous connaissez ?
Au cours d’une journée de rangement, j’ai retrouvé avec amusement au détour d’un tiroir oublié cette lettre écrite il y a près de cent ans par un ami de celui qui n’était pas encore mon demi-frère (je ne naîtrai que plus de 17 ans plus tard…)
Je connaissais cette lettre qui me réjouissait tellement durant ma lointaine enfance, car j’admirais l’humour du texte-dessin qui me ravissait, et j’avais très vite saisi le burlesque du faux raccommodage… surtout fait par un garçon !
Mais regardons bien la date : 2 mai 1915, la France est en guerre contre l’empire allemand. Des zeppelins ont survolé Paris et la presse ironise… mais la cathédrale de Reims a été bombardée dès le début des hostilités. L’auteur de la lettre doit être un tout jeune homme, comme l’est Robert son destinataire qui a moins de 17 ans (il ne les aura que le 11 novembre suivant et c’est par plaisanterie que son correspondant feint de croire qu’il est de la classe 37). Ce que l’un et l’autre ignorent, c’est qu’ils seront mobilisés l’année suivante, qu’ils auront le baptême du feu à 18 ans, et qu’ils seront appelés « les Bleuets », comme tous ceux de la classe 17, en référence à l’uniforme bleu horizon qui venait de remplacer la culotte et le képi rouges de 1914 dont la teinture faisait vivre les paysans du Midi qui cultivaient la garance.
Comme l’est sûrement l’auteur de la lettre (Vos souhaits de punitions n’ont pas été entendus des professeurs) mon demi-frère Robert était alors lycéen, il chantait dans la manécanterie de St Germain l’Auxerrois, il étudiait le violon et avait confiance en son avenir. Serait-il devenu virtuose ? A 19 ans, une balle le blessa à la main et il dut être amputé d’une phalange de l’auriculaire gauche avant de repartir au front. Exit le violon… Il deviendra photographe mais restera un homme amer sa vie durant, même s’il avait eu la chance de sauver sa peau. Il avait été mobilisé malgré sa forte myopie, ses fines lunettes et son air sérieux le font paraître plus âgé qu’il n’est. La sœur qui « fait la jaquette » est Blanche, morte à 16 ans de tuberculose en 1919 et dont je porterai plus tard le prénom ; elle fait le ménage ; à cette époque, les maris qui aidaient leurs épouses aux travaux ménagers se faisaient ironiquement traiter de « jaquettes »)
Ce R. Vaillant s’est très visiblement inspiré des calligrammes de Guillaume Apollinaire, et je vous laisse lire ce que j’ai trouvé sur le sujet par Internet afin de ne pas risquer de faire des erreurs…
Un calligramme est un poème dont la disposition graphique sur la page forme un dessin, généralement en rapport avec le sujet du texte, mais il arrive que la forme apporte un sens qui s'oppose au texte. Cela permet d'allier l'imagination visuelle à celle portée par les mots.
C'est le poète français Guillaume Apollinaire qui est à l'origine du mot (formé par la contraction de « calligraphie » et d'« idéogramme »), dans un recueil éponyme (Calligrammes, 1918). Étymologiquement, ce mot-valise signifie « Belles Lettres » dans la mesure où il reprend l'adjectif grec le nom gramma qui signifie "signe d'écriture", "lettre". Il s'agissait donc pour Apollinaire d'« écrire en beauté ». Il aurait ainsi déclaré parodiquement à son ami Picasso : « anch'io son' pittore ! » (« moi aussi je suis peintre ! »)