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Du Détroit de Magellan à Puerto Montt
45 – Détroit de Magellan – en mer
Vendredi 18 février 2011
Un brouillard épais noie tout, mais le bateau passe si près d’elles que l’on peut voir les parois du goulet où il est engagé. Le vent souffle en tempête, et la mer est hachée en vagues courtes. Montée au Lido pour le breakfast un quart d’heure après Joyce, je l’y retrouve qui me dit de m’installer dans l’autre salle (à bâbord) parce qu’une porte est cassée et il fait froid dans celle-ci. Je n’ai pas obtempéré, même si l’intention était bonne.
Je me suis installée au Crow’s nest, d’où parfois, l’œil saisit quelques cascades, mais le ciel plombé anéantit mes espoirs de belles photos. Le 
navire glisse très lentement avec douceur. J’ai investi une place que personne ne me dispute, puisque nous ne sommes que quelques-uns à espérer encore… J’ai fini l’aquarelle commencée il y a deux jours, que Lorraine veut absolument pour ses « œuvres ». Pour m’en débarrasser, j’ai répondu qu’à l’issue de la croisière, elle choisirait celles qu’elle veut. Une expo est organisée demain à l’Ocean Bar, et il faudra toutes les apporter.
Le ciel est vraiment très sombre, et le détroit s’est élargi puisqu’il n’est plus possible de voir autre chose que de la ouate grise. En début de soirée, un rai plus clair à l’horizon laisse à penser que nous allons sortir de cette purée de pois. La houle qui fait plonger le nez du navire s’accentue : c’est que nous approchons du Pacifique que nous n’atteindrons que vers minuit. Et ma Belle de Nuit, dans tout ça ? Peut-être ce soir ? Le ciel s’est dégagé d’un coup, le soleil illumine enfin la salle et finit par me gêner puisque j’ai entrepris de finir l’aquarelle du jour…
Joyce m’a précédée à la salle à manger et je n’ai pas eu à « mettre les pieds dans le plat » : ma public-relation est sûrement intervenue puisque chacun fait l’effort de me faire participer, et Joyce prend la peine de m’expliquer ce que j’ai déjà compris puisqu’on parle moins vite. Diana, ce soir, est aphone.
Au cours du dîner, une annonce au micro fait savoir que le bateau ayant quitté les eaux chiliennes, le casino est ouvert. Des hourras s’élèvent de partout !
Avant le show, je vais aller voir si ma Belle est au rendez-vous que je lui avais fixé depuis 6 ans… à Bali. Le ciel est couvert, et Annett a annulé une observation impossible.
Eve Sherrat est une cantatrice internationale, et elle est tout autre chose que la chanteuse lyrique qui m’a assommée avec ses vocalises il y a quelques soirs. Sa voix veloutée est puissante, et son souffle lui pemet de soutenir la note finale sans effort. De plus, elle n’a pas fait de fioritures, respectant l’œuvre du compositeur. Mais elle a ajouté de la fantaisie en chantant avec une voix de canard…
Eve Sherrat a tant de talent qu'elle s'amuser !
46 – Océan Pacifique – en mer
Samedi 19 février 2011
11.872,3 milesmarins parcourus =21.987,5 km
Le ciel est serein, la mer plate. Nous sommes en haute mer depuis cette nuit, mais nous devrions entrer dans le Darwin Channel au milieu de l’après-midi, et retrouver les fjords qui nous ont été partiellement cachés hier.
Le Chili est à la fois le pays le plus long et le plus étroit du monde. Après la tragédie Alliende et le sinistre épisode Pinochet qui a pris fin il y a 20 ans, le Chili est devenu le plus développé des pays de l’Amérique latine, principalement par ses ressources en pétrole et gaz, mais aussi le méthanol et enfin l’élevage. Fin de la minute culturelle.
J’ai un peu traîné dans la matinée, et il faut que j’aille à une heure porter les aquarelles à L’Ocean Bar où elles seront exposées avant d’être vendues dans quelques jours. En fin de compte, je les ai toutes laissées, sauf « La Vague » et « La Plage » que j’ai données à Joyce et à Scottie sa sœur. Le public est venu. Vendrai-je une de mes œuvres ? Même si je n’encaisse rien, je serai contente de voir que des gens acceptent d’ouvrir leur portefeuille pour moi.
Le bateau a ralenti puis stoppé. Deux baleines étaient à tribord, mais si j’ai vu plusieurs fois leur souffle
puissant,
je n’ai rien vu d’elles. Ce n’est que bien plus tard dans la soirée que nous apprendrons la cause de l’arrêt ; le krill a bouché les filtres des prises d’eau et il en a été retiré de grandes quantités, (de quoi faire la soupe plusieurs jours plaisante le maître d'hôtel) ! Ceci explique la présence des baleines qui s’en nourrissent. Le navire est reparti, mais a perdu deux heures. Nous allons remonter 36 miles au Nord et prendre un autre canal patagonien avant la nuit. Le ciel limpide nous donne un coucher de soleil orangé, et les eaux calmes du fjord abritent des phoques facétieux qui tournent autour du bateau mais replongent aussitôt.
Après le show d’un humoriste (Jeff Stevenson comédien anglais) dont j’ai suivi de loin les histoires, je suis montée au pont 13. "Elle" était là, bien au-dessus de nous, mais la lune pleine et les lumières du bateau atténuaient considérablement son éclat. Il n’empêche : elle était au rendez-vous, et je n’étais pas la seule sur le pont à la caresser des yeux : la Croixdu Sud ! Je n’ai même pas regardé les autres, n’ayant d’yeux que pour elle.
47 – Puerto Montt - Chili
Dimanche 20 février 2011
Ce dimanche est ensoleillé et doux… Les responsables du Lido ont décoré les présentoirs avec humour... Nous avons rendez-vous à midi, Joyce et moi au Show Room, mais le hasard a fait que nous nous retrouvions plus tôt, et elle propose que nous prenions le tender dès à présent pour être « on shore » (à terre) où le départ pour l’excursion est à 1 h. Pourquoi pas ? Nous aurons ainsi l’occasion de flâner dans la petite ville. Trois tenders font la navette pour conduire les visiteurs à terre, mais il ne nous sera 
pas permis de sortir du port très excentré, sauf à prendre le risque de ne pas y être revenues à temps. Au débarcadère, un panneau rappelle à ceux qui l'auraient oublié la liste des produits qu'il est interdit d'introduire au Chili. Une vaste tente est prévue pour ceux qui, comme nous, doivent attendre les bus, et je continue ma grille de mots croisés entamée, tandis que Joyce part à la recherche du fishmarket (marché au poisson) qui est plus loin sur le port. Elle n’est pas revenue à temps quand j’ai pris le premier bus qui partait. Joyce voyagera dans le troisième sans avoir trouvé le marché au poisson.
Nous avons choisi la même excursion : Porto Vargas, dominé par deux volcans en bordure du lac le plus vaste d’Amérique Latine après le lac Titicaca. Mais Puerto Montt, le port sur le 
Pacifique, est une ville allemande, créée 
au XIXe siècle et dont l’architecture typique et l’art de vivre sont essentiellement germaniques. Balcons fleuris, jardinets de roses et d’hortensias bleus un peu étiques rappellent la Forêt Noire.Il pleut ici plus de 200 jours par an, mais aujourd’hui est un jour « sans »… et je n’ai pas mes lunettes de soleil ! Jusqu'à la fin du XXe siècle, les communautés allemandes blanches et les autochtones (indiens) vivaient parallèlement sans se mélanger. Mais les choses ont changé depuis quelques années et il n’est plus exceptionnel de voir des couples mixtes.
Le Chili précolombien était habité par des tribus indiennes venues d’Asie par le détroit de Behring il y a 30.000 ans et qui ont lentement progressé vers le Sud jusqu’à la Terre de Feu. Puis les Espagnols sont arrivés conquérir ce Nouveau Monde et convertir les Indiens qui, d’abord terrifiés par ces étranges créatures qui commandaient le feu (les cavaliers avec leurs mousquets montés sur des chevaux qui n’existaient pas sur leur continent) s’allièrent entre tribus pour se défendre. La plupart d’entre eux furent tués, et les survivants descendirent encore plus au Sud. Le territoire était si vaste que les Espagnols restèrent plutôt au Nord (Mexique, Pérou) et ce qui est aujourd’hui le Chili resta en grande partie inhabité plus de deux siècles, pendant lesquels la forêt put s’étendre. Au début du XIXe siècle, des Allemands vinrent s’installer dans la région de Puerto Montt pour exploiter le bois et y bâtir leurs villes comme ils savaient le faire avec les alerces, arbres typiques de cette contrée, et des toits de cuivre, tel celui de l’église luthérienne.
En altitude à une trentaine de kilomètres de Puerto Montt est situé Porto Vargas, sur le lac Llanquihue où, malgré la frrrraîcheur de l’eau les familles farnientent sur la plage où se baignent les plus téméraires. J’y ai ramassé du sable que, faute d’autre chose, j’ai mis dans une poche de mon jean.
J’ai flâné un moment sur le remblai, admirant les deux sommets enneigés des volcans Calbuco et Osorno, je suis entrée un instant dans le superbe hall de l’hôtel cinq ***** qui surplombe le lac, sans y trouver d’intérêt, négligé le casino, comme le supermercato ouvert ce dimanche, avant d’arriver sur une place où un Indien grisonnant joue de la flûte de Pan en essayant de vendre ses CD. 
Joyce me fait un signe en passant, avant de déposer un billet au musicien. Je me suis attardée à l’ombre à l’écouter jusqu’au départ, lui laissant 2$ dans sa valise. Il joue magistralement sur un accompagnement d’orchestre enregistré. Nous allons maintenant à Frutillar (qui se prononce frou-ti-jar), plus haut en altitude, dans le fief d’une riche famille allemande dont la propriété d’origine est devenue un musée reconstituant la vie de ses débuts au Chili dans les années 1900. Le moulin à eau, la forge et la petite maison 
meublée sans luxe montrent que le train de vie familial était modeste avant l’opulence qui a suivi. Le balcon domine le lac et a les volcans enneigés pour toile de fond. L’un d’eux est un cône parfait qui fait penser au Fuji Yama japonais.
Pourquoi ai-je eu envie d’un chocolat chaud à la pâtisserie allemande qui fait face, au lieu de goûter comme les autres à la bière ou aux gâteaux de noisettes ? Allez savoir ! Mais pour 2$, j’ai 
eu un chocolat brûlant sorti tout droit de la machine dans un gobelet de carton. Les prix ici comme ailleurs sont « spéciaux USA ». Je paie en dollars, ne voulant pas perdre encore plus au change euro-dollar-peso.
J’ai repris un tender qui allait juste partir et suis arrivée à temps pour le show donné par une troupe locale qui chante et danse. Deux musiciens accompagnent une chanteuse blonde à la guitare et à l’accordéon-piano. Deux des danseurs sont habillés en gauchos, avec chapeau plat, poncho et bottes à éperons, les deux autres en costume campagnard, les quatre filles en jupes amples qu’elles font virevolter. La musique est indienne, mais polkas 
et valses à la sauce chilienne vont vite montrer l’influence allemande dans le folklore. Les spectateurs sont invités à danser et Jordan m’entraîne pour une valse à la munichoise aux 3 temps lourdement scandés… puis pour une « samba » où il suffit de se déhancher en cadence. Le show s’est terminé dans la bonne humeur générale. Lorsque je suis revenue à la cabine, Joyce venait juste de rentrer, dépitée d’avoir manqué le show des jeunes danseurs et musiciens.
Au dîner, Diana, toujours aphone et souriante s’exprime par gestes, mais a bon appétit, ce qui augure bien de l’avenir. Marilyn et Rodney se sont offert le Pinnacle ce soir, mais Father Leary est venu s’asseoir avec nous. Joyce, toujours directive, présente Dean au père, craignant peut-être le premier muet tel Diana ?
Le violoniste Vincenzo Gentile est un virtuose qui joue les yeux fermés, tout à sa passion… Comme tous les artistes ici, il parle longuement entre chaque séquence. Nous saurons ainsi qu’il est Italien et vit à 3 heures de Venise, que l’in
strument vénérable sur lequel il joue date de 1770, et est assuré pour… un million de dollars, mais qu’il n’en est pas le propriétaire ! Mozart, Puccini sont à son répertoire, mais aussi Ennio Morricone et John Williams auteurs de célèbres musiques de films tels que : Il était une fois dans l’Ouest, Indiana Jones, E.T., Harry Potter…
En conclusion de cette journée, le directeur de croisière Thom, fait son boniment final en évoquant la diversité des aspects de cette journée chilienne : le Japon (il y a aussi pensé !) l’Allemagne, l’Italie (le violoniste)…
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