Antartique, me voici !
14 février
Bonne St Valentin à tous !
J’ai oublié de le dire à Daniela et Piero. Bises pour me faire pardonner.
Merci à ceux qui me lisent et encore plus à ceux qui me répondent.
Bien reçu l’adresse de mon cousin jumeau dont la carte de l’Equateur sera postée à Ushuaïa
14 février 15 minutes plus tard : la fenêtre Internet s’est refermée pendant que j’essayais de poster mes états d’âme… A plus tard !
15 février : j’essaie une fois de plus !
A Corail et son Bernard l'Ermite : je n'ai pas pu embrasser les phoques : ils n'aimaient pas mon nouveau dentifrice !
36 – Atlantique – en mer
Mercredi 9 février 2011
Maintenant que je connais un peu leurs conditions de vie, j’ai préparé pour Munir et Indah nos stewards, un sac avec une partie des chocolats que nous trouvons chaque soir sur notre lit, des choupas qui m’ont été offerts lorsque j’ai acheté à Iguazu des cartes postales par une vendeuse consciente de m’avoir roulée, de quelques friandises que je n’ai pas mangées, et d’un mot explicite à leur intention. Lorsque je suis revenue à la cabine, le message était passé piosque le sac avait disparu.
Le courriel à Lulu m’est revenu, j’ai sans doute fait une erreur d’adresse. Ce matin, Internet passe avec un train de sénateur, mais plutôt mieux que souvent. Nous faisons route pour les Falklands (Malouines en français) sans savoir si nous pourrons y aborder à cause du gros temps. Le ciel est couvert, la température a nettement fraîchi à 15°, et les piscines sont fermées.
A la démonstration de cuisine, une soupe à l’indienne et le poulet au curry qui sont à l’honneur auxquels nous avons pu goûter. Ma voisine de l’Arizona me parle clairement et je comprends tout ! Pour une fois que je lis vraiment le programme du jour, j’apprends que ceux qui le souhaitent peuvent déposer leurs meilleures recettes et ainsi, participer à un concours. Vous pensez bien que j’ai proposé « le beurre blanc nantais » en précisant bien la vraie recette avec de vraies échalotes et du beurre demi-sel ou salé, car ce qui est servi à la salle à manger est une sauce au beurre certes, mais qui n’a rien à voir avec l’originale. Promis, je vous tiens au courant…
L’aquarelle du jour m’a été demandée par Lorraine la prof pour ses « œuvres » : c’est valorisant bien sûr, mais je vais sans doute l’offrir à Scottie, la sœur de Joyce. C’est un paysage de marais au soleil couchant avec des reflets dans l’eau que j’ai fait très rapidement. En moins d’une heure, j’ai pu terminer, et modifier les cocotiers de la plage dont je n’étais pas satisfaite.
Des baleines ont été vues vers 6.30 pm, mais je ne l’ai su qu’au dîner. Le show de ce soir est donné par la troupe attachée au Prinsendam et ça a été un grand moment parce qu’ils sont chanteurs/danseurs et savent bien faire les deux.
J’ai posé à Diana la question de savoir quel était le prénom de son mari. Devine… (elle n’utilise pas le « vous » ...? Charles ??? Bingo ! et elle retire son alliance gravée pour me le prouver. « Mais nous étions les premiers « a-t-elle ajouté « et nous sommes restés ensemble plus de quarante ans »
Lorsque Munir est venu préparer les lits, je lui ai demandé s’il est vrai qu’il est interdit aux stewards de manger les chocolats qu’ils déposent chaque soir dans les cabines. Il a répondu qu’il peut en manger autant qu’il veut… Ce serait donc ceux des salles qui en sont privés. A Mohamed, j’ai demandé si pour lui, musulman, c’était un problème d’être en contact et de servir du porc et de l’alcool, il dit que non puisqu’il n’en mange pas. L’alcool ? « Sometimes… I am human !» (quelquefois… je suis humain !). Il s’en va, après m’avoir saluée de ses deux mains jointes sur le front.
Un sac de tissu gris est posé sur le lit. Il contient une écharpe, un bonnet et des mitaines-moufles en polaire gris foncé. Nous voilà parés pour affronter l’été austral !
37 – Iles Falkland – les Malouines – Grand Bretagne
Jeudi 10 février 2011 – en mer
La TV du bord affiche la distance parcourue depuis le départ : 9.147 miles nautiques = 16.940 km si je ne fais pas d’erreur.
Nous étions prévenus depuis hier soir des risques d’interruption du satellite due à notre position très basse ; je constate que CNN et Internet ne sont plus captés, et cela risque de durer quelques jours.
Le vent est très fort et désagréablement frais sur le deck 13, le plus haut. La mer me semble relativement modérée et les tenders pourront peut-être nous faire traverser la baie. Port Stanley, occupé par l’armée argentine avait été rebaptisé Puerto Argentino lord de la guerre des Malouines. Des champs de mines sont encore interdits d’entrée depuis 1982… mais je n’ai pas l’intention d’y aller voir s’il en reste vraiment ! J’ai préparé un flacon pour le cas où je trouverais du sable. Les deux îles comptent à peu près 2.000 habitants, essentiellement des éleveurs de moutons.
1.00 pm - Il se pourrait qu’on puisse embarquer, mais pas avant une heure ou deux… Wait and see ! Internet a ouvert une fenêtre juste le temps de voir que mon message à Flo est revenu, j’avais oublié un point ! Lulu ne saura pas que j’ai pensé à son anniversaire, mais que mes maladresses ont retardé son courrier.
De Port Stanley, on n’aperçoit aux jumelles que des toits très colorés, des maisons simples, peu de grands arbres, la cathédrale (anglicane) qui est la plus « southern » au monde et un paysage presque plat. Du bateau, on ne voit pas de pingouins, alors qu’il y en a plusieurs colonies tout près ! Un des deux tenders a fait demi-tour avec quelques personnes atrocement malades et frigorifiées. Il ne repartira pas. Donc, les Malouines… aux oubliettes ! Pour ceux qui, comme Georgette et Dean, ont pu traverser, les avis sont partagés : certains ont été très intéressés par les pingouins et le musée de la guerre, les autres disent que nous n’avons rien perdu. Quoi qu’il en soit, le haut commandement a choisi pour nous. A ce propos, le commandant annonce avec humour que sa décision a été prise pour que nos familles nous voient revenir à la maison en bonne santé. Il comprend la déception de ceux, nombreux, qui n’ont pu sortir, mais il est responsable de la sécurité. Il fallait plus d’une demi-heure pour traverser la baie dans de mauvaises conditions, et le gangway de l’arrivée était très incliné et glissant.
Dean que je croise, dit qu’il a marché un peu dans la ville (il dit le village), a vu des pingouins, puis est entré au bistrot manger des fish and chips en attendant qu’il puisse rentrer. Il n’a rien vu d’autre que les pingouins. « Vous n’avez rien manqué » ajoute une femme en passant…
Le musicien de ce soir joue aussi bien de la clarinette, du saxophone ténor que du banjo, et avec une belle virtuosité ! Il a fait un duo époustouflant avec le jeune saxo de l’orchestre du bord dont j’avais remarqué le grand talent. Et ce qu’ils ont joué avec un bel ensemble est truffé de difficultés. Le jazz Niou Orlinns a eu la part belle ce soir ! Et quel bel hommage aux grands Bennie Goodman, Lionel Hampton…
Après le show, je suis tout de même sortie sur le pont où le vent soufflait encore très fort, mais le ciel voilé ne laissait apparaître aucune étoile. Ma Croix du Sud se fait désirer en jouant là la coquette. Ou à l’Arlésienne ?
38 – Atlantique – en mer vers l’Antarctique
Vendredi 11 février 2011
Joyce est depuis longtemps partie quand je m’éveille : presque 11 heures. Damned ! et je voulais aller au Culinary Center pour suivre la recette du poulet à l’indonésienne… Je ferai la toilette au retour. Beaucoup de monde y assiste, dont Dean le nouveau convive, qui m’a dit avoir été hôtel manager un peu partout dans le monde. C’est juste assez épicé pour que je l’essaie à la maison (le poulet, pas Dean).
A mon retour à la cabine, j’y trouve un diplôme qui atteste que je suis sortie indemne d’un bain avec des piranhas lors du passage de la Ligne sous les yeux de Neptune qui officiait. A mon âge, on n’est plus très regardant sur la qualité des diplômes reçus, mais je suis la seule de mon entourage à l’avoir obtenu, même si, comme moi, beaucoup ont passé l’Equateur plusieurs fois !
Le bateau navigue dans un brouillard épais et la soirée « observation des étoiles » à laquelle je nous avais inscrite est compromise. Il n’est pas possible d’apercevoir un coin de ciel et l’horizon est bouché…
La classe d’aquarelle me permet de me défouler sur les chutes d’Iguazu, et je ne suis pas mécontente du résultat. Je songe tout à coup que si je devais entamer une carrière artistique, je choisirais Joyce comme public-relations, car j’ai appris qu’elle a montré mes aquarelles au quarteron des taxi-boys danseurs et à son club de bridge !
Autre sujet d’étonnement : je me sentais honteuse chaque jour après la douche d’avoir provoqué autant d’éclaboussures sur le miroir jouxtant la baignoire en pensant au travail des stewards pour les effacer. Puis je me suis aperçue que l’eau en séchant ne laisse aucune trace ! Le bateau puise l’eau dans son environnement et la traite afin qu’elle soit potable. Lorsque nous étions dans l’Amazone il n’était pas question d’utiliser celle du fleuve, et il nous avait été recommandé de limiter nos besoins en eau et de faire durer nos serviettes et draps de bain.
Le show est avancé à 18.30 h et le Transylvanien Count Dimas nous a bien divertis. Pianiste classique, il a d’autres cordes à son arc et entame à la flûte des mélodies roumaines nostalgiques, puis à l’accordéon un medley de chansons connues caractérisant de nombreux pays (pour la France « Sous le ciel de Paris »). Il se remet au piano et avec un air sérieux commence « La Marche Turque » de Mozart qui va vite tourner en parodie « à la manière de… ». Il a terminé son show dans le plus grand délire parce que, dit-il, étant né près du château de Dracula, il ne pouvait faire moins que de lui dédier un instrument de son invention : le draculaphone. Il a revêtu un costume bardé de « pouet-pouets » qu’il a fait pouetter en se désarticulant. La salle, hilare lui fait un triomphe. Quel bonheur de voir que des gens si talentueux n’ont pas la grosse tête !
Jetant en sortant un œil aux fenêtres, je suis heureuse de voir la mer dégagée jusqu’à l’horizon. C’est que peut-être ce soir le ciel, pour le moment couvert de nuages, sera assez dégagé pour l’observer après le briefing auquel nous devons assister avant de sortir, chaudement vêtus.
Au dîner j’ai choisi une cassolette de St Jacques (sans modestie, je fais meilleur à la maison) et du homard Thermidor (en fait langouste des Caraïbes surgelée) à la sauce trop farineuse. Il va falloir que je donne des cours de cuisine au chef cook !
C’est une jeune femme officier qui va nous expliquer comment les marins font le point. Elle a apporté son sextant et l’almanach marin qui est, dit-elle, leur bible. Elle parle surtout d’astronomie et de la façon de repérer les constellations et regrette que l’observation directe ne soit pas possible ce soir. Avant de rentrer à la cabine, je me suis néanmoins risquée sur le pont, bien emmitouflée et munie des accessoires offerts par la Holland America Line. Bernique ! j’ai bien cru apercevoir une rangée d’étoiles dans la nuit, mais j’ai dû admettre que ce n’était que les ampoules éteintes qui sont suspendues au-dessus de la piscine. Je finis par avoir des hallucinations ! Vu la température ambiante, je ne me suis pas attardée…
39 – Antarctique – Elephant Island
Samedi 12 février 2011
La mer est dégagée, mais le ciel est nuageux. Elephant Island n‘a rien d’exceptionnel vu d’ici, et cependant, elle a été le paradis pour les 28 survivants de l’expédition Shackleton puisqu’ils touchaient terre pour la première fois depuis 497 jours ! Après encore 105 jours sur ce tout petit pic, Shackleton ramena tous ses hommes vivants après avoir parcouru 800 miles jusqu’à South Georgia Island d’où il put organiser leur sauvetage…
Le Pôle Sud est plus froid que le Pôle Nord parce qu’il est sur un continent et non en pleine mer. Et dire que certains croient qu’il y fait chaud !
Mon premier iceberg antarctique est modeste, mais c’est le premier ! L’idée ne m’est venue que plus tard d’aller au Crow’s nest pour être aux premières loges et voir les choses d’en haut… Pourquoi d’autres y ont-ils pensé avant moi ? Les places sont chères : si quelqu’un se lève, son siège est gardé comme Fort Knox jusqu’à son retour. Demain, je m’y prendrai plus tôt… Des falaises de glace, des montagnes sans d’autres traces de végétation que des lichens, et cependant, des scientifiques et leur famille vivent dans ce décor de désolation. Un petit avion arrive juste qui les relie à l’Argentine, puisque nous sommes à Esperanza Station qui dépend de ce pays. Car l’Antarctique n’appartient à personne, et si le continent a été partagé comme un gâteau, nulle nation ne peut en revendiquer la possession.
Le Prinsendam glisse doucement à toute petite vitesse et vire parfois pour éviter un iceberg qui pourrait l’endommager ; nul ici n’a envie de rejouer « Titanic » ! il fait un froid de canard et le vent est fort. Des patinoires à pingouins sont nettement visibles sur certaines parties basses des plaques de glace, où leurs déjections ont laissé des traces brunes. Une montagne haute comme un gratte-ciel apparaît devant nous, mais bien avant qu’elle puisse être photographiée de près, le navire a viré et je la vois s’éloigner. Quelle hauteur pouvait-elle atteindre ? Quand on sait que seul apparaît 1/10e ou 1/11e de sa masse (les avis divergent) on peut se dire qu’il y a une belle quantité d’eau douce en stock. J’ai entendu dire (mais que ne dit-on pas ?) que la piscine qui était vide hier soir a été remplie avec de l’eau de mer où l’on pourra se baigner. J’ai un projet : aller au jacuzzi et regarder les icebergs. Mais qui voudra bien me suivre pour me tirer le portrait ?
Vers 7 pm j’ai fait une apparition pour voir si le film projeté est bien celui auquel je pense : « La Marche de l’Empereur » avec la voix de Morgan Freeman que je comprends sans effort. Je pense que je le reverrai en entier avec le même intérêt que la toute première fois à Nantes.
Pendant le dîner, des baleines sont apparues sur bâbord, mais je les ai à peine entrevues. Je vais m’équiper « polaire » avant d’aller affronter l’air du pont et voir Deception Island qui devrait conclure cette première journée antarctique. Le ciel est voilé, pas de constellations en vue. La brume noie tout lorsque j’arrive au bras d’un serveur indonésien qui tient absolument à ce que je m’accroche à son bras. Peut-être a-t-il peur de s’envoler avec le vent ? Avec moi comme contrepoids, il ne risque rien ! On aperçoit de vagues contours qui semblent bien être une île et des dorsales … de baleines ? de dauphins ? je n’en saurai pas plus puisque seules les nageoires sont apparues. Puis un pan de brume se dissipe et l’entrée du cratère submergé apparaît nettement ; c’est la Fenêtre de Neptune. Pendant longtemps, ce havre a été le refuge des premiers baleiniers et chasseurs de phoques dans un environnement hostile. Seuls les sommets sont enneigés et il n’y a aucun iceberg ni de glaces flottantes autour de la caldera. La péninsule antarctique est d’origine volcanique. Des pingouins sautent en suivant le bateau…
Le show de ce soir se joue « outside » (dehors).