36 Phu Mi-Saïgon Viet Nam
Jeudi 29 octobre 2009
Phu My est un port à 1.45 h de Saïgon dans les meilleures conditions, et compte tenu de l’état de la route… Mais pour des raisons inconnues, le bateau n’a pas été « clair » à l’heure prévue, les formalités douanières ont pris du retard, et le départ des 32 bus (oui !) se fera progressivement selon le programme choisi. Comme en d’autres circonstances, le théâtre ne suffit pas à contenir les excursionnistes qui patientent avec plus ou moins de décontraction selon les tempéraments. Et puis, comme toujours, il y a ceux qui parlent haut et fort et que j’ai envie d’avertir qu’il faudrait demander au responsable des opérations de se taire… parce que ses annonces au micro nous empêchent de suivre leur conversation… Mais saisiraient-ils l’humour français ?
Nous avons le bus 16 et il y a plus d’une heure que nous devrions être partis. Arrivées les deux bonnes dernières, il reste à Joyce et moi les places du fond, habituellement pas les plus mauvaises, mais cette fois, elles sont très surélevées… et le haut de la fenêtre nous arrive au niveau de l’épaule. Il y a bien la bande panoramique en verre teinté au-dessus, mais un rideau festonné censé l’enjoliver l’occulte totalement. Aux grands maux les grands remèdes : Le velcro permet à chacune d’entre nous d’enrouler le dit feston pour dégager la vue, mais son reflet restera en permanence dans notre ligne de mire.
Jimmy est aujourd’hui notre guide. Il a 41 ans, ne parle pas français, que ses parents et grands-parents maîtrisaient parfaitement. Il a perdu beaucoup de membres de sa famille pendant la guerre, dans les deux camps, et son père a disparu. Lui a choisi de rester au Vietnam et il dit avoir une bonne vie. Les jeunes n’étudient pas le français à l’école (on peut les comprendre) mais le russe est en perte de vitesse à l’Université. L’anglais étant la langue du business, elle est la première enseignée après le vietnamien.
Saïgon aujourd’hui est comme Pékin l’était il y a 20 ans, mais les 2 roues sont des pétrolettes dont les jeunes sont les principaux conducteurs. Même les jeunes filles en tuniques légères chevauchent ces engins avec élégance. Elles déboulent par centaines de tous les bords, dans un concert de klaxons étourdissant. Le carburant est hors de prix, grevé par les taxes. Les engins sont de fabrication vietnamienne, coûtent très peu cher, mais ne durent pas plus de 10 mois à un an. Le prix de l’entretien et des réparations fait qu’il vaut mieux en acheter une autre. Il y a aussi les japonaises, fiables et solides, mais dont le prix est 10 à 12 fois plus élevé.
Première halte au Jardin botanique créé par J.B. Louis Pierre, un Français de l’île de la Réunion. L’escale est « technique » (comprenez pipi-room) après deux heures de mauvaise route. Girafes et autruches partagent le même espace. Des enfants du haut de leur classe, me hèlent à la fenêtre d’un premier étage, mais ils sont loin. Des mariés sont en séance photos… il s’agit en réalité du tournage d’une publicité, car le mari traîne avec lui une valise Milano qui doit être la vedette du jour.
Des joueurs de mah-jong au pied de la stèle du fondateur sont encouragés par les grands cris enthousiastes de ceux qui les entourent.
Diane de San Francisco, qui s’est approchée, est contente de me faire savoir qu’elle parle français, qu’elle a appris à l’école et n’a pas (trop) oublié !
Ici comme partout, le SIDA fait des ravages, et de grands panneaux rappellent au public les adresses des centres de prévention. Des rickshaws proposent une balade au touriste. L’Ambassade américaine n’a plus de raison d’être ici (la capitale est maintenant Hanoï) et ses bâtiments ont été affectés à une autre destination. L’Ambassade de France, toute proche, est aujourd’hui devenue notre Consulat…
A l’entrée du Palais présidentiel qu’ont habité deux présidents à la fin des événements, une marchande de noix de coco propose sans succès une halte rafraîchissante. Du marbre à profusion dans des jardins tropicaux ombragés, le décor est somptueux et raffiné. Les ascenseurs étant « out of service », je me contente du premier niveau, et m’égare volontairement dans le dédale des couloirs. Les portes ouvertes au public ont des décorations colorées et peut-être symboliques, mais les coulisses sont nettement moins étincelantes, et l’épaisse crasse qui les décore date peut-être des premiers jours du palais il y a quarante ans !
Plus loin, ce qui fut le siège de la CIA à Saïgon au temps où l’armée américaine prit le relais de la France, écrasée à Dien Bien Phu, est aujourd’hui le Musée de la Guerre… Une traction avant Citroën 11 légère est juste à l’entrée et je ne vois qu’elle ! Mon papa en a eu une de 1936 jusqu’en 1939, mais celle-ci est plus récente, je le sais par les ouvertures de son capot et quelques autres détails. Je m’intéresse plus aux quelques vestiges de la vie quotidienne du temps des colonies qu’à l’histoire de la guerre elle-même. Ce bâtiment a beaucoup perdu de sa splendeur. Tout sent le négligé, le laisser-aller. Les toilettes des dames sont « western » mais ont connu de meilleurs jours. Un crochet rudimentaire ferme la porte, pas de papier, la chasse ne fonctionne pas, et, avisant un tuyau avec une sorte de clapet à son extrémité, je ne déclenche que le maigre gargouillis d’un goutte à goutte. Mais le bruit a fait réagir la jeune femme que j’ai vue devant la porte sans vraiment la remarquer. « No lady, no ! ». Son rôle consiste, après chaque utilisatrice à puiser dans un bac de plastique une grosse louche d’eau qu’elle déverse dans la cuvette.
Le jardin où poussent les herbes folles est devenu un parking de camions, hélicoptères et engins divers pris à l’ennemi américain. Dans un couloir attend un jeune couple de (vrais) mariés, venu faire en ce lieu une séance photos. Qui peut dire les raisons de ce choix ?
Le retard initial a décalé l’heure du lunch dans un hôtel de luxe dont le buffet international a cependant quelques velléités vietnamiennes et je me régale des crevettes en sauce et des nems proposés. J’ai tenté du bout des lèvres la pâtisserie outrageusement sucrée…
Saïgon prépare Halloween ! Dans les rues, quelques magasins arborent des tenues « squelettiques » qui n’ont plus rien à voir avec le catholicisme toujours très vivant, ni avec le bouddhisme, mais on peut bien faire flèche de tout bois, non ? Jimmy le guide précise qu’il faut voir la grande cathédrale de briques rouges les jours de Noël déborder de fidèles !
La visite-phare de la journée est celle d’une fameuse fabrique de laque, dont les ateliers permettent de comprendre la complexité du travail réalisé, depuis les inclusions de nacre, jusqu’au polissage de la laque. Ceci permet d’apprécier d’autant plus la qualité des objets proposés à la vente dans le magasin… Ceux qui le souhaitent peuvent laisser leur photo qui sera copiée et réalisée en laque incrustée de nacre. Ici, on paie en US$. Et certains n’ont visiblement pas de problèmes de poids de bagages. La plupart sont Australiens et descendront directement chez eux sans avoir à prendre les lignes aériennes internationales.
La chaleur moite a mis tout le monde sur les genoux et les photos du nouvel Hôtel de Ville et du théâtre sont vite expédiées. Une statue qu’on pourrait croire être Ho Chi Min tient un enfant dans ses bras, mais le socle ne porte pas son nom.
Bien plus de deux heures nous seront nécessaires pour revenir à Pu Muy dans les embouteillages de la ville et les encombrements de la route boueuse et surchargée de camions. A l’arrivée, on nous propose du désinfectant pour les mains et un lemon juice pour le moral.
Douche, jacuzzi, où à ma grande surprise, Joyce vient me rejoindre dans son invraisemblable maillot de bain noir agrémenté d’une jupette volantée (en tutu) que je lui connais déjà.
Pas de dîner ; je devais voir Jean-Paul au piano-bar afin de procéder ce soir au lancement de la bouteille à la mer, mais Morphée a eu la préférence… et Agus m’a préparé une sorte de dindon à la queue en éventail qui veillerai au grain en cas de naufrage !