Question de langages...
L'orage se déchaînait sur la highway entre Dallas et Fort Worth et, au volant de sa puissante Chevrolet, Joyce ne tentait pas de se garer sur le bas-côté comme beaucoup d'autres automobilistes l'avaient fait. Nous allions accueillir à l'aéroport Gisèle et Bernard, nos amis communs, qui venaient participer au trip prévu dans l'West américain, que nous allions parcourir au cours des semaines suivantes.
Un écran gris illuminé d'éclairs se dressait devant nous, et, comme elle-même, je tentais de percer du regard le mur d'eau pour rester dans le bon couloir et deviner l'obstacle que nous risquions de percuter. Elle priait, tandis que, pour ma part, je restais plus prosaïquement attentive à voir avant elle la bretelle qui nous ferait sortir de ce cauchemar.
Bien entendu, les avions attendus avaient été, soit détournés sur un autre aéroport, soit retardés, ce qui était le cas du vol de nos amis. Dans le hall, nous nous sommes assises et elle a rendu grâce à Dieu d'avoir permis que nous arrivions sans accroc, ajoutant que, pendant le trajet, elle espérait me voir prier aussi.
Joyce s'étant éloignée pour aller aux nouvelles, l'homme sur le fauteuil en face me demanda un renseignement que j'étais bien incapable de lui donner... Il me laissa parler, et, après un regard à sa femme, me dit que c'était seulement pour le plaisir d'entendre mon "charming french accent" qu'il avait posé une question anodine... Eux-mêmes avaient des racines allemandes, et la conversation s'est alors lancée sur les langues et les accents qui nous caratérisent et trahissent nos origines.
Soudain, il me demanda : "Et Jésus, quelle langue parlait-il ?"
Mes yeux ont dû s'agrandir tant la question me semblait surréaliste, mais j'ai eu le réflexe de répondre ce que cet homme attendait : "Si Jésus ne parlait que l'arménien, il savait lire dans les coeurs !"... ce qui a beaucoup plu à Joyce entre-temps revenue.
La religion tient une énorme place dans la vie de nos amis d'Outre-Atlantique : il n'est que de voir le succès des télé-évangélistes qui font leur show chaque dimanche pour un business "enrichissant"... et se souvenir que les premiers "pilgrims" venus avec le "Mayflower" et les bateaux suivants fuyaient les persécutions religieuses de leur pays d'Europe, et que la liberté religieuse figure dans la Constitution américaine.